En 1967, Schramme et Bob Denard attaquent lEst pour venger Tshombe
LArmée nationale congolaise (ANC), en pleine restructuration et équipée par les Etats-Unis, va jeter dans la danse des troupes fraîches : des jeunes commandos formés au centre dentraînement de Kota-Koli. Le panache, la fougue et la furie de ces jeunes militaires vont obliger les mercenaires à décrocher et à fuir vers le Rwanda.
ECHEC A KISANGANI
Après lenlèvement de Tshombe en Espagne, ses amis sont en désarroi. Ils vont agir vite pour le sauver. Il faudra renverser le nouveau pouvoir du général Mobutu, quitte à improviser. Une semaine après ce rapt mémorable, va éclater, à Kisangani, la révolte des mercenaires. Ils sont dirigés Par Jean Schramme, le Belge et Bob Denard, le Français. Schramme commandait des mercenaires, des ex-gendarmes katangais et quelques ex-rebelles Simba ralliés à lANC. Bob Denard dirigeait le 6ème commando composé de la même manière.
Déjà, au mois de juin 1967, Denard avait averti Schramme que le Haut-Commandement de lANC se préparait à dissoudre ses unités pour les fondre dans lArmée nationale. Cela allait compromettre leur avenir personnel, mais aussi toute reconquête du pouvoir par Tshombe. Tous ces mercenaires navaient pas rompu leurs liens avec Tshombe, malgré son exil. Dans le courant juin 1967, il avait déjà été convenu que les mercenaires puissent attaquer. Venant de Umbi vers le Sud-Est, Schramme devait attaquer Kisangani pour y rejoindre Denard. Une aide extérieure, venant de lAngola, leur était déjà assurée pour attaquer par la suite le Katanga. Le mercenaire sud-africain Puren, commissionnaire en matériel de guerre, leur avait aussi garanti une puissante aide aérienne, qui clouerait au sol les unités de lANC ; et aussi de leur amener dès la prise de la ville, 200 volontaires rhodésiens (zimbabwéens).
Au lever du soleil du 5 juillet 1970, le 10ème commando de Schramme attaque et atteint Kisangani par la rive droite. Ils ouvrent un feu nourri sur le camp Ketele abritant une partie de la garnison de lANC. Les soldats de lArmée régulière, réunis pour le salut au drapeau, vont compter beaucoup de morts. En frappant ainsi par surprise, Schramme comptait sur la débandade de lANC : il se trompe. LANC nest plus celle qui, en 1964, fuyait et détalait piteusement devant les rebelles.
La contre offensive de lANC est violente, précise et professionnelle : Schramme décroche. Il a perdu beaucoup dhommes et de véhicules. Il se replie alors vers le centre ville et vers laéroport toujours tenu par les hommes de Bob Denard qui, jusque là, nont pas réagi pour leur venir en aide. Denard paraît manger aux deux râteliers : Mobutu et Tshombe. Schramme va le rencontrer, fuyant dans sa Jeep vers Lubutu. Les deux hommes se résolvent de repartir à lattaque sur Kisangani, où les hommes de Bob Denard se battront cette-fois plus sérieusement à laéroport. Là, Denard sera blessé à la nuque. Il est paralysé de deux jambes. Cest, étendu sur une civière, quil donne les ordres. Puis il gagne la Rhodésie (Zimbabwe) le 7 juillet en DC3 avec les autres blessés, en laissant tous les hommes valides à Schramme. Depuis lors, jusquà ce jour, Bob Denard en a gardé les séquelles en boitant.
Tous les mercenaires restés sont intensément harcelés et bousculés violemment par lANC. Finalement, Schramme échoue dans sa prise de Kisangani.
OCCUPATION DE BUKAVU
Le commandant mercenaire Hendriechs qui devait prendre Kindu, échoue face à la forte résistance de lANC. Il décroche et se replie. Seule réussite du plan des mercenaires, le commando dirigé par Noël sempare de Bukavu dès le 5 juillet, en attaquant par surprise le camp Saïo où beaucoup de Congolais (civils et militaires) furent massacrés.
Très vite, Noël et ses hommes vont laisser Bukavu à lANC, pour aller secourir Schramme. Les deux hommes se rencontrent en cours de route et remontent sur Bukavu quils attaquent et occupent le 7 août. LANC fait le siège de Bukavu avec des C130 prêtés par Washington, des renforts et des avions T28, pilotés soit par des Congolais fraîchement formés soit par des Cubains anticastristes.
Les mercenaires contre attaquent avec succès. Pire, un T28 de lANC, tire par erreur sur des militaires congolais, en plus, deux avions congolais se perdent. La démoralisation qui se répand dans lANC provoque des mutineries et même des ralliements aux mercenaires. Heureusement, lANC sobstine et se requinque par des renforts dotés dun punch particulier. La plupart de ces jeunes soldats étaient formés au centre dentraînement commandos (CECODO) à Kota-Koli que dirigeait un vieux commando belge, le major Gaston Bebrone. Ancien mercenaire, ce copain de Bob Denard avait rejoint Mobutu, alors que les autres embrasaient lEst du Congo.
Jai personnellement connu, longtemps après, en 1982 ce vieux baroudeur Bebrone quand jétais incorporé au sein des Forces armées zaïroises avec dautres étudiants meneurs des manifestations sur le campus, deux semaines avant la création de lUDPS par les 13 parlementaires. Nous y avions retrouvé quelques militaires ayant participé à lépopée de Bukavu. Ils avaient ramené comme butin de guerre le poignard de Schramme. Ce poignard sera incrusté au-dessus de la tombe du colonel Tshibangu écrasé dans sa voiture en 1977 vers le Mont-Ngaliema, après la guerre du Shaba. Feu colonel Tshibangu, qui fut commandant du CECODO au début des années 70, avait participé aussi au siège de Bukavu en 1967, où, avec dautres, ils avaient contraint Schramme et ses hommes à fuir en catastrophe Bukavu le 3 novembre, vers le Rwanda.
TRACTATIONS A LOUA
Durant lencerclement de Bukavu par lANC en août, se voulant y laver la piteuse image du Congo depuis lindépendance, Mobutu mobilise des moyens colossaux pour donner un éclat particulier à lévénement. La cité de lOUA est construite au Mont-Ngaliema.
Lavenue OUA à Kintambo est construite. Le boulevard Lumumba est électrifié jusquà laéroport de Ndjili. Mobutu compte sur la solidarité africaine pour réduire les mercenaires. Du fait, lOUA votera une résolution pour aider le Congo à se débarrasser des mercenaires. Un comité spécial est institué pour obtenir le départ des mercenaires par tous les moyens de Bukavu. Présidé par le chef de lEtat soudanais, Ismaël Azhri, il comprend les chefs dEtat du Burundi (Michombero) et de lEthiopie (Empereur Hailé Selassie).
Les tractations souvrent entre ce comité et Jean Schramme. Il est prévu que, si les mercenaires nacceptent pas de déguerpir, lOUA usera de la force, en lançant contre eux une armée interafricaine. Mais sils acceptent de vider les lieux, ils pourraient gagner le Rwanda, et sy réfugier sous la protection de ce pays, en attendant dêtre évacués vers leurs pays respectifs par les soins de la Croix-Rouge internationale. Schramme accepte la proposition de lOUA par lentremise dun médecin de Bukavu, Charles Schyns.
Toutefois, il exige que ses combattants congolais puissent aussi bénéficier dune protection internationale. Le Zambien Kenneth Kaunda soffre alors pour accueillir chez lui les ex-gendarmes katangais comme réfugiés politiques.
FUITE AU RWANDA
Pendant toutes ces tractations, les combats se poursuivent à Bukavu. La pression est tellement forte, que Schramme et ses hommes nattendent pas la mise au point du Plan de lOUA et de la Croix-Rouge internationale. Ils seront contraints de fuir vers le Rwanda. Ils y déposent les armes le 3 novembre 1967 et seront accueillis par les autorités du Rwanda. Sous le contrôle de la Croix-Rouge. Là, à Cyangungu au Rwanda, il y aura 129 mercenaires et 2500 Katangais. Tous avec leurs familles.
Mobutu, qui croit fermement que ses militaires étaient sur le point décraser les mercenaires et les ex-gendarmes katangais, est très fâché contre le président rwandais. En leur ouvrant ses portes, le Rwanda vient de poser un acte inamical. Mobutu oublie très vite la résolution de lOUA à Kinshasa, « au cas où les mercenaires acceptaient de partir ». Ce sera là largument de défense des autorités rwandaises. Mobutu rétorque que « les mercenaires nont pas accepté de déguerpir, comme prévu par lOUA, ils y ont été contraints par la puissance de feu des jeunes soldats de lANC : le Rwanda ne devait pas leur ouvrir ses portes ». Mobutu ne le pardonnera jamais à Grégoire Kayibanda, quil contribuera à éjecter par un coup dEtat, au profit du général Juvénal Habiarimana, très attaché à Mobutu depuis lors jusquà sa mort brutale le 6 avril 1994 dans un attentat sur son avion.
Mobutu refuse que les ex-gendarmes katangais puissent trouver refuge à létranger. Il leur offre lamnistie et garantit leur sécurité sils rentrent au Congo. Contactés individuellement au Rwanda par le Comité spécial de lOUA, les Katangais acceptent de revenir au pays. Mal leur en prit, ils venaient doublier le sort des autres gendarmes du lieutenant-colonel Fernand Tshipola massacrés en juillet 1966 à Kisangani.
Dès leur retour au Congo, ils seront transportés dans les forêts de lEquateur. On ne les a plus jamais revus : sans doute massacrés. Le 4 avril 1968, la Croix-Rouge internationale évacue les mercenaires depuis le Rwanda, vers leurs pays respectifs.
TSHILOMBO MUNYENGAYI, ASS, FAC. DROIT, UNIKIN